Col de la Grande Casse (3091m)  - Vanoise -
Raquette - Ski de randonnée
Week-end 7-8-9 Avril 2012

Une fois de plus la montagne nous a glissée à l'oreille une leçon de vie. Savoir attendre, vivre l'instant, apprendre à poser le pied, écouter le vent, trouver sa route dans le brouillard, faire sa trace, se surpasser dans les difficultés, éviter un crocus, savourer les moments simples, trembler devant l'avalanche, la redouter mais pas la négliger, s'émerveiller devant l'animal pris dans la tempête.
Un jour de gris, un jour de soleil, des panoramas à couper le souffle (et pas qu'à cause de l'altitude), des murs abrupts de glace et puis des hommes, des femmes, gardiens de refuge, skieurs de toutes les neiges, alpinistes émérites, des professionnels, des amateurs, tout est là pour refaire un monde.

Merci aux compagnons de route, toujours prêts à aller plus loin.

Une « petite » erreur d'itinéraire nous amène près de Modane. C'est  juste une vallée de différence entre Maurienne et Tarentaise. 20Km séparent Modane de Pralognan... à vol d'oiseau, un peu plus en voiture (140km). La traversée 23km par les chemins pour 1700m de dénivelé est une excellente idée à proposer pour une prochaine randonnée. Le Col de Chavière (2796m - GR55) en est le point culminant, passer près du refuge de Peclet-Polset, puis au refuge du Roc de la Pêche, au Prioux, et enfin Pralognan. Une bonne journée dans les paysage sublimes de la Vanoise... Mais là n'est pas notre destination. Il s'agit d'aller au refuge du Col de la Vanoise (2516m ex-refuge Félix Faure).

Samedi 7 avril 2012 : la montée au refuge

1100m de dénivelée / 4 h / 9,3km

La route des Fontanettes est encore coupée à cette saison, nous stationnons aux Darbelays (1456m). Elle nous mène aux Fontanettes 1596m, puis nous empruntons soit le chemin d'été (GR55) , soit le bord des pistes de ski pour arriver au refuge des Bannettes (2012m). A partir de la neige est complètement présente sous les pieds et dans l'air car elle commence à tomber, plutôt en giboulée sous un ciel bien bas. Le vent de sud/sud-ouest nous pousse dans le brouillard. Nous passons par dessus le Lac des Vaches, bien connu des randonneurs de la Vanoise, sans même le deviner dans la brume. La montée vers le Lac Long se fait complètement à l'aveugle avec pour seuls points de repères les anciens poteaux électriques qui alimentaient le refuge du Col de la Vanoise et les traces de ski au sol, qui se perdent parfois balayées par  la tourmente. Les capuches sont serrées sur la tête, les cols des vestes remontées jusque sous le nez. Il ne fait pas très froid mais les sacs sont lourds : pelle, sonde, arva, baudrier, crampons, piolets, quelques sangles et mousquetons, les repas pour 2 jours, les accessoires de chacun... Quand le refuge se devine au dernier moment, il est déjà 19h. La gardienne m'avait déjà laissé un message s'inquiétant de notre arrivée. Nous passons à table. Le refuge est quasiment complet car il accueille des organisateurs, secouristes, peloton de gendarmerie, d'une course de ski-alpinisme. L'ambiance est des plus sportive. Tout le monde est là pour la Grande Casse, la course du lendemain ou  des bambée sur les dômes de la Vanoise. Les visages jeunes sont déjà burinés par des heures de ski en altitude, prêt à en découdre avec tous les vents et toutes les neiges. Nous sommes les seuls avec des raquettes, pas peu fiers finalement.


Dimanche 8  avril : Orientation dans la tempête de neige


La météo est exécrable. Le vent ne faiblit pas de la journée emportant plus loin à l'horizontale, des flocons  laminés par le souffle. Le matin, personne ne part. Tous se pose la question « la course va-t-elle avoir lieu ? » . Même les plus aguerris n'osent pas sortir. Vers 13h, des secouristes du PGHM partent dans la tourmente.
Soixante centimètres de neige tomberons dans cette journée.
Certains voudraient rentrés, peu confiants dans la suite des opérations, compte tenu de la météo; d'autres, les plus nombreux,  veulent profiter de la montagne, de ces moments incomparables à d'autres situations, sinon en bateau, où le temps n'a plus la même échelle, où la vie sur notre bonne vielle Terre n'est plus celle de tous les jours, là-bas en plaine.
Avant les élections présidentielles, nous votons. Nous restons là, dans se creuset de froidure, de vent, de neige, de brouillard. Nous décidons de profiter de l'aubaine de cette tempête pour faire un peu de cartographie-orientation, pas à coté du feu c'est pas drôle, mais en sortant dehors avec  pour objectif une croix repérée sur la carte, un peu plus loin du Col de la Vanoise.
Éric prend en charge le groupe, la carte, la boussole.
Le GPS est dans la poche mais enclenché au cas où ! Ce n'est pas utile de se faire remarquer en se perdant sous prétexte que le refuge est rempli de secouristes professionnels.
L'exercice est excellent, le lieu et le temps s'y prête à merveille. C'est l'occasion de viser et réviser les techniques de déplacement sans visibilité:
jalonnement avec contre-visée: une personne reste sur place, le groupe s'éloigne à la limite de la disparition dans le brouillard (soit 30 mètres ce-jour là), puis en se retournant on vise la personne en se déplaçant pour ajuster l'azimut au mieux. La méthode est efficace, nous avançons sereinement dans le néant.
recherche (d'un maximum) de points de repère
confrontation de la carte avec la terrain
déploiement en tirailleur (avancer de front carté de 10-20 mètres selon la visibilité.
Une consigne vitale: rester grouper.
Et pourtant...
Nous ne trouverons pas la (2ème) croix ! Nous en serions passé à 21 mètres d'après le GPS ?
Est-elle toujours là ? Est-elle à Rome ?
Mystère. Comme quoi dans le brouollard !
Dans ce désert d'hiver, nous avons vu un lièvre variable et deux lagopèdes (ou perdrix des neiges) !!!
Ces oiseaux typiques de la montagne, changent de livrée 3 fois par an pour se confondre avec le décor.: difficile de les voir sur la neige surtout avec le brouillard d'aujourd'hui.
Ne pas effrayé les lagopèdes (et les autres animaux) car sa seule défense est de s'envoler (après s'être tapis) d'une crête à l'autre, gaspillant une part très importante de ses réserves pour l'hiver. Un seul vol peut représenter 50% de ces réserves, réduisant d'autant leur espérance de vie...
Retour au refuge. Vins chauds.
Gilles et Jean-Pierre arrivent, le vent se calme, les nuages se désagrègent, la Réchasse se dévoile.


Lundi 9 avril : Le grand jour


600m de dénivelée positive / 1600 m de descente / 8 h / 13,5km
Lever du jour limpide.Gilles et Jean-Pierre vont skier la Grande-Casse (3855m).
Les raquettistes partent pour le Col de la Grande Casse (3091m).
30cm de neige fraiche au refuge.
Du refuge, nous surplombons le Lac Long, au nord de l'Aiguille de la Vanoise.
Nous tirons droit dans la pente du Seuil de l'Ouille. Inclinée à 30°, l'état de la neige ne m'inspire pas confiance. Les accumulations alternent avec des passages glacés. Nous empruntons une pente raide de caillasses instables mais pas sujette au déclenchement de plaques.
L'expérience du cramponnage en pente raide et mixte commence pour Julien. 150 mètres plus haut, c'est une crête qu'il faut longer pour arriver sur une pente douce. Ouf ! Le problème, c'est la neige.
Il faut faire la trace dans 40 à 60 cm de neige fraiche qui enfonce jusqu'au genou  à chaque pas : c'est épuisant. Le glacier de la Grande Casse est  bien recouvert, c'est déjà ça de gagné. Un couple de skieurs de randonnée nous rattrapent suivant nos traces. La coopération s'organise en prenant à tour de rôle le relais pour faire la trace. Le soleil remplit le vallon.
En bas du petit mur d'arrivée, nous nous encordons pendant que les deux skieurs rayent le cône, la corniche du col les surplombant..
Derrière eux il faut refaire la trace les raquettes portant nettement  moins que les skis. La neige monte encore en-dessous du genou. Le col arrive avec la satisfaction du but atteint.
Nous remercions vivement monsieur et madame qui nous ont bien aidés et finis le travail du passage.
La vue sur la face Nord  dela Grande Casse est saisissante, tout en glace et en séracs agressifs. Le « Couloir des Italiens » paraît impossible à franchir. Pourtant certains le font à pied ou à skis !
Le temps de manger le pic-nic, 15, 20, 30 personnes arrivent, certains remerciant aussi les premiers, fiers et satisfaits de leur exploit.
Il est grand temps de redescendre. La neige s'amollit encore. Les avalanches coulent régulièrement des pentes sud, à notre droite.
Un petit détour par la moraine droite du glacier, sous le col des Schistes et la Séchette, nous donne l'occasion d'une descente en poudreuse de premier ordre.
Le fameux Lac des Vaches est invisible sous la neige. Le fatigue se fait sentir, mais l'odeur de la bière des Barmettes redonne de l'allant.
Descente finale par les pistes de ski, bruyantes à cette heure (17h) car l'usine à ski de piste est en pleine action, encombrée de dameuse remontant la neige sur les cailloux et la terre.

Altitude départ : Pralognan- Darbelays : 1456 m; Refuge du Col de la Vanoise 2516m
Altitude Arrivée : 3091m
Dénivelé : 1600m  au total ; 600m du refuge au col
Horaire: montée 4h00 pour le refuge ; 4h45 pour le col ;  descente 4h00 + 0h30; (Pont-Évêque: 9h30)
Difficulté : Rando alpine moyen
Matériel : Pelle sonde DVA piolet crampons baudrier corde
Carte : 3534OT-3633ET au 1/25000.
Météo : samedi : Neige / Dimanche : Tempête 30-60cm de neige  / Lundi : Grand beau
Nivologie : samedi-dimanche 2-3   / lundi 3 ;  nombreuses avalanches sud
Participants :  Sylvie R.; Sylvie T, Elisabeth S. ; Eric T. ; Julien N. ; Pascal M.
 + Gilles et Jean-Pierre nous rejoignent dimanche pour faire la Grande – Casse
Accès : Vienne – Chambéry – Albertvile – Moutiers – Pralognan la Vanoise : 200km : 2h45